Pourquoi troublant ? Parce que, dans ce film, un ancien responsable du
Shin Beth (service de sécurité intérieure israélien), Matti Steinberg, se
livre à des aveux accablants pour son propre pays. " D’un strict point de vue israélien, dit-il, ce n’était pas prudent ni raisonnable de jeter ce
partenaire dans les poubelles de l’Histoire. »
Disant cela, il se réfère à la volonté obstinée d’Ariel Sharon de disqualifier le vieux chef. C’est ainsi qu’Arafat fut calomnié, diabolisé, assimilé à un « terroriste » et bientôt confiné dans l’immeuble à demi détruit de la Moukata, avant d’aller mourir à Paris d’un mal mystérieux.
Quatre ans après la mort d’Arafat, en effet, la situation a empiré en Israël et dans les territoires. En Israël, c’est une crise morale qui
s’approfondit. Le récent rapport d’enquête de la commission Winograd sur la conduite désastreuse de la guerre du Liban pendant l’été 2006 est sévère pour l’état-major de Tsahal (l’armée).
Ajouté aux sondages qui, ces dernières années, ont montré que l’image de cette armée réputée invincible se dégradait sans cesse, il
révèle un désintérêt grandissant de la jeunesse pour l’engagement
militaire.
Cette crise morale donne raison à ce grand intellectuel israélien,
Yeshayahou Leibowitz, mort en 1994 et qui, dès 1967, avait mis en garde ses compatriotes contre le désastre qui résulterait de l’occupation des territoires palestiniens, c’est-à-dire de la domination d’un peuple sur un autre.
Le pathétique exemple de Gaza est la meilleure illustration de ce désastre éthique. Évacué par l’armée et les colons israéliens en août 2005, pris en main par les jusqu’au-boutistes islamistes du Hamas depuis juin 2007, ce territoire n’est plus qu’une immense prison qu’Israël tient à sa merci. Aux tirs de roquettes artisanales répondent des expéditions punitives et des bombardements, les deux s’enchaînant dans un cycle sans fin.
Ainsi se perpétue cette chose inimaginable :
la juxtaposition d’une société prospère très américanisée et un immense
bidonville, un bantoustan palestinien misérable où croupit une population
privée de tout.
Quoiqu’on fasse du côté israélien pour dénoncer (à juste titre) le
terrorisme du Hamas, cette situation invite irrésistiblement à la
comparaison avec l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid ou à l’enfermement des citoyens allemands de l’ancienne RDA - pendant vingt-huit années - derrière le mur de Berlin.
Le coût moral est - et sera - plus élevé que prévu pour Israël.